L’histoire des transports en commun urbains

Article publié le 26/07/2021 | mis à jour le 09/01/2024 usagers matériel


L’année prochaine, les transports en commun urbains fêteront leur 360 ans. Seulement ? Eh oui, les transports publics en général sont plus anciens, mais ce n’est que sous Louis XIV qu’ils commencent à transporter des voyageurs d’un point à un autre de la même ville.

Pour se déplacer, on a commencé par utiliser nos pieds, des cours d’eau, des animaux. On a inventé des moyens de locomotion, on les a perfectionné, mais leur usage était réservé à leur propriétaire ou leur famille, quand ils avaient les moyens nécessaires pour en disposer.

Au 15ème siècle, Louis XI instaure le Service royal de la Poste : en plus du courrier, les coches transportent des voyageurs d’une ville à l’autre en échange de quelques sous, puis des services plus réguliers se mettent en place au fur et à mesure que le réseau routier s’améliore.

Mais en ville, il n’y a guère que le cheval ou la marche pour se déplacer. Dans les grandes villes, les plus nantis s’offrent des carrosses pour voyager confortablement mais cela reste du transport individuel et privé.

À Paris, c’est plus difficile. Les distances à parcourir sont bien plus longues et la population beaucoup plus dense qu’ailleurs. Avec 500 000 habitants, la capitale est d’ailleurs la seconde ville la plus peuplée au monde (Londre est la première). Et c’est seulement au milieu du 17ème siècle qu’une invention changera la donne.

1662 : le carrosse à cinq sols

Blaise Pascal est scientifique, philosophe et inventeur tous azimuts. On lui doit entre autres la calculette, la presse hydraulique, la brouette et la vinaigrette. Peu de temps avant de mourir, en 1662, il se penche sur les problèmes de la circulation parisienne et gratifie le monde d’une dernière création : les transports en commun urbains.

En 1661, il s’adresse directement à Louis XIV et obtient de lui l’autorisation de créer une petite société de carrosses publics afin d’expérimenter l’idée qui lui est venue. Dans sa présentation, il explique qu’il s’agira de carrosses de 8 places "qui feraient toujours les mêmes trajets dans Paris d’un quartier à l’autre" pour un coût maximum de cinq sols, qui partiraient "à heures réglées" avec une cadence régulière, quel que soit le nombre de voyageurs, même à vide et ce, sans que le prix soit augmenté.

Un arrêt du Conseil du Roi valide le projet en janvier 1662 et lui en attribue le monopole. Les premiers essais ont lieu le mois suivant et cinq trajets sont mis en place progressivement au rythme d’un par mois, de mars à juillet 1662. Le premier réseau de transports en commun urbains est né.

L’entreprise est un succès mais au Parlement de Paris, on ne l’entend pas de cette oreille. La noblesse n’aime pas voyager avec le peuple et l’accès aux carrosses à cinq sols devient interdit aux "soldats, pages, laquais et autres gens de bras". Une partie importante de la clientèle est perdue dans la foulée, créant des difficultés financières qui obligent l’entreprise à passer le prix du billet à 6 sols.

Au bout du compte, les carrosses de Blaise Pascal et toute idée de transports en commun sont abandonnés en 1677. Ils ne réapparaîtront qu’un siècle et demi plus tard, à Nantes.

Photo : Le réseau du Carrosse à cinq sols - Wikimedia Commons

1826 : les omnibus de Nantes

Stanislas Baudry est un médecin militaire qui a fait carrière dans l’armée de l’Empire Napoléonien, jusqu'au grade de colonel. La France redevient une monarchie en 1815 et Baudry, à peine 40 ans, est mis à la retraite avec une demi-solde. Il rentre à Nantes, où il a fait ses études de médecine et y achète une meunerie située à Richebourg, un quartier des faubourgs de la ville. Il investit dans une machine à vapeur pour équiper son moulin à farine et, juste à côté, il ouvre un établissement de bains-douches publics : il utilisera la vapeur générée par sa machine pour les alimenter en eau chaude.

Seulement voilà, il n’y a pas beaucoup de monde à se présenter et pour Baudry, c’est parce que ses bains sont trop loins du centre de la ville. Tout début 1826, il met en place une voiture à cheval pour faire la navette depuis la place du Port-aux-vins (aujourd’hui place du Commerce). La voiture est à l’enseigne des "Bains Richebourg" et fait gratuitement des allers-retours à horaire réguliers.

Ça marche... mais pas comme prévu

Beaucoup de Nantais les utilisent pour aller d’un quartier à l’autre de la ville, mais la fréquentation des bains reste quasi inexistante. Baudry en déduit que ce qui manque à Nantes ce n’est pas des bains, mais des transports publics. Il ferme les bains et la minoterie, s’adresse à la mairie et obtient l’autorisation de créer un service de voitures.

Stanislas Baudry donne à son entreprise le nom d’un opéra comique, La Dame Blanche. En septembre 1826, deux voitures peintes en blanc et pouvant transporter 16 passagers circulent le long de deux lignes régulières qui prennent leur départ devant l’atelier d’un chapelier. Ce chapelier s’appelait Omnes. En latin, omnes veut dire "pour tous" et pour renforcer encore le sens de son nom, l’artisan avait baptisé sa boutique Omnes Omnibus. C’est ainsi que les usagers des voitures de La Dame Blanche ont pris l’habitude de dire qu’il prenaient "l’omnibus".

Le succès de ces premiers transports nantais encourage Baudry à transposer son idée à Paris. Il fonde l’Entreprise Générale des Omnibus en avril 1828 à la fin de l’année, il compte 200 employés, 89 voitures et 800 chevaux.

Son fils Edmond crée la même année des sociétés équivalentes à Bordeaux et à Lyon. Mais à Paris, Baudry fait des émules, des dizaines de sociétés de transport voient le jour et la concurrence est acharnée. En février 1830, Stanislas Baudry est au bord de la faillite et finit par se tirer une balle dans la tête. Son entreprise lui survit malgré tout et sera même au coeur de la Compagnie Générale des Omnibus, la future RATP.

Photo : L'omnibus parisien - Wikimedia Commons

1855 : la fusion des sociétés de transports parisiens

La multiplication des entreprises de transport a rendu la situation complètement ingérable à Paris. Le baron Haussmann, préfet de la Seine et chargé par Napoléon III de la rénovation de la capitale, décide de tout fusionner. Les transports urbains publics parisiens deviennent un monopole confié à la Compagnie Générale des Omnibus pour une concession de 30 ans.

Un cahier des charges est établi et l’année suivante, un réseau de 25 lignes régulières est mis en place. En parralèle, les transports se structurent de la même façon dans les grandes villes de province.

Les premiers tramways français

La même année, un entrepreneur français voit son ambition réalisée. Il s’appelle Alphonse Loubat et il est rentré deux ans plus tôt de New York où il a vécu plusieurs années. Là-bas, les transports en commun existent déjà et certaines voitures circulent de façon intéressante : elles sont tirées par des chevaux mais leurs roues suivent des rails installés dans les rues. Le système a toutefois un inconvénient puisque les rails sont posés sur la chaussée, leur relief rendant la circulation difficile pour les autres véhicules.

Loubat soumet l’idée d’utiliser des rails à gorge pour les encastrer dans la chaussée. Le résultat est concluant et ces lignes se développent rapidement dans de nombreuses grandes villes américaines. C’est pour ce mode de transport que Loubet a obtenu, en 1853, une autorisation d’expérimentation sur un trajet de 2km à Paris.

En 1855, une ligne officielle reliant Sèvres à la place de la Concorde est inaugurée à l’occasion de la première Exposition Universelle de Paris. On l’appelle le "chemin de fer américain", version française de tramway, et c'est sa toute première implantation en Europe.

Photo : Le "chemin de fer américain" à Paris - Wikimedia Commons

1867 : l’essor des tramways

Le tramway ne connaîtra pour autant pas d’essor immédiat : la petite ligne de Loubat fera surtout l’objet d’une curiosité amusée. Il faudra attendre 12 ans et la seconde Exposition Universelle parisienne pour qu’une desserte de tramways hippomobiles soit mise en place à l’intérieur de la capitale.

C’est l’arrivée de la machine à vapeur qui favorisera réellement le développement des lignes de tramway. Depuis 1870, plusieurs villes dans le monde testent -et adoptent- les tramway tirés par une petite locomotive à vapeur. À Paris, ils sont sont utilisés pour la première fois en 1876 pour relier la gare de Montparnasse à celle d’Austerlitz.

Un ingénieur français, Louis Mékarski, achève en 1875 la mise au point d’un système de moteur à air comprimé. En 1876, il expérimente son système de traction sur une ligne de la Compagnie des Tramway de Nantes, dont il a été nommé directeur technique. Cette première ligne est inaugurée en 1879. Les "tramways Mékarsky" remplacent alors progressivement les modèles à vapeur et de nouvelles lignes apparaissent un peu partout en France.

En 1881, l’Allemand Siemens présente la traction électrique à l’Exposition internationale de l’Électricité, à Paris. En France, le premier tramway électrique circule à Clermont-Ferrand, en 1890. Il ne se développera vraiment à Paris qu’à partir de 1895, tout comme à Strasbourg.

Les tramways électriques se développent, ils remplacent parfois les Mékarski à air comprimé et les deux représenteront, jusqu’à l’entre-deux-guerres, l’essentiel des moyens de transports en commun urbains et interurbains.

Photos : Le tramway Mekarski - Wikimedia Commons / Le Tramway électrique de Rouen - Wikimedia Commons

1900 : le métro… et les premiers autobus

Depuis le 10 janvier 1863, les Londoniens peuvent utiliser un moyen de transport révolutionnaire et à l’époque unique au monde : c’est l’Underground, une ligne de chemin de fer construite en souterrain. Cette solution était la seule qui permettait de développer les réseaux de transport d’une ville complètement engorgée par la circulation et dans les tunnels, les premiers métros à circuler sont des voitures en bois tractées par des locomotives à vapeur avant d’être progressivement remplacées par une alimentation électrique.

À Paris, des possibilités équivalentes sont à l’étude depuis quelques décennies. Plusieurs capitales étrangères sont déjà équipées et une échéance approche : l’Exposition Universelle et les Jeux Olympiques de 1900. De nombreux projets sont soumis et c’est finalement celui de l’ingénieur Fulgence Bienvenüe, présenté en 1895, qui sera retenu. Il a alors 46 ans et consacrera les 30 années suivantes à la construction du métro de Paris, son projet définitivement adopté en 1898.

Lorsqu’il part à la retraite, en 1932, Fulgence Bienvenüe a réalisé 12 lignes de métro représentant 130 km, dont 115 ont été réalisés sous sa direction, et exploitant dès le début l’alimentation électrique. Mais en matière de transport urbains, le métro n’est pas la seule innovation de ce début de siècle.

La naissance des autobus

Les moteurs à vapeur ou à explosion ont fait leur entrée il y a plusieurs décennies et en 1905, à Paris, la Compagnie Générale des Omnibus inaugure une voiture automotrice à vapeur sur la ligne qui relie Montmartre à Saint-Germain-des-Prés. Le salon de l’Automobile de Paris se déroule la même année et l’autobus à essence qui y est présenté, le premier du genre, est aussitôt utilisé entre La Bourse et le Cours la Reine.

Les omnibus à cheval disparaissent complètement en 1912. Les tramways sont peu à peu délaissés également et en 1938, ils sont devenus très rares. Ils sont complètement abandonnés dans les années 1960 : seules Marseille, Saint-Étienne, Grenoble et Lille ont toujours conservé une ligne de tramway. Puis, dans un souci de réduction de la pollution, certaines communes et agglomérations commencent à les réhabiliter en version modernisée à partir de 1980.

Photo : Autobus Daimler - Wikimedia Commons

Les transports en commun urbains aujourd’hui

L’autobus devient donc le principal mode de transport en commun urbain. Les réseaux l’utilisent de plus en plus au fur et à mesure qu’ils se déploient après la Première Guerre Mondiale, avec un véritable essor après 1945.

De nos jours, des centaines de villes ont mis en place et améliorent constamment leurs réseaux de transport en commun urbains, en combinant parfois plusieurs modes : autobus, métro, tramway, trolley, mais aussi bateaux ou funiculaires. Mais cette augmentation du trafic a son revers de médaille : il participe très largement à la pollution atmosphérique et à la dégradation climatique.

Les questions de l’épuisement des ressources et du réchauffement climatique sont abordées au début des années 1970, le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du Climat) est créé en 1988 et en 2010, il fixe à 2050 l’objectif d’une réduction de 40 à 70% des émissions carbone (par rapport à celles mesurées en 2010).

Nous sommes donc en pleine transition vers la mobilité électrique pour les transports routiers, qu’il s’agisse des particuliers, de fret de marchandise ou de transports en commun.

Photo : Autobus électrique Enviro 500 EV / ADL


Cet article a été rédigé par Cécile B.

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